Monsieur Chat, Stéphanie Demasse-Pottier et Célia Housset

Connaissez-vous Monsieur Chat ? Dès son enfance, celui qui s’appelle en réalité Andrea, est très différent des autres chats. Il ne ressemble pas aux angoras de sa famille et n’aime ni la chasse ni le soleil. Tout le monde se moque de lui ! Mais Andrea est ouvert d’esprit et il se lie d’amitié avec Sacha, une souris qui lui tricotera le plus élégant des habits. Grâce à elle, il éblouit ses congénères… mais il réalise aussi ce qui compte vraiment pour lui.

J’ai adoré les superbes illustrations de Célia Housset (quelle découverte !) mais aussi le texte très réussi de Stéphanie Demasse-Pottier, qui se prête bien à la lecture à voix haute. Monsieur Chat permet de parler de différence, du poids des apparences mais aussi de ce qui compte vraiment… être soi-même et être aimé pour ce que l’on est vraiment. Une fable charmante, que je vous recommande également !

Cépages, juin 2021, 32 p.

Ma note : ★★★★☆

Mirabelle Prunier, Henri Meunier et Nathalie Choux

Connaissez-vous la fable de Mirabelle Prunier ? En quelques mots, je vais essayer de vous la résumer. La petite Mirabelle naît avec un nom prédestiné. « Prénommer son rejeton Mirabelle lorsque l’on s’appelle Prunier, jugez la merveille, jaugez la jugeote ! » Enfant, elle se fait tourmenter, malgré son caractère doux et aimant. Elle choisit l’isolement, sur un bout de terre fertile de son village. Petit à petit, elle y prend racine et devient un bel arbre. Un beau prunier. Les saisons passent, les années aussi. Quand vient l’heure pour Mirabelle de produire des prunes, elle entend bien montrer aux Hommes que, de ce qu’ils considèrent le pire, peut sortir le meilleur.

« Tout est affaire de présent.
Tout est affaire de saison.
Tout est affaire de fruits.
Tout est affaire de présents. »

Mirabelle Prunier est une histoire d’injustice, mais aussi de patience, de revanche et d’amour des autres. Les mots sont poétiques, les illustrations d’une grande justesse. J’ai notamment adoré tous ces jeux de mots autour du bois, qui peuplent l’album. Mirabelle est une héroïne fière et courageuse face aux quolibets, qui est porteuse de beauté, malgré la laideur d’âme de ceux qui la moquent. J’ai beaucoup aimé ce qui se dégage de cet album ! 

Rouergue, septembre 2020, 36 p.

Ma note : ★★★★☆

L’éléphant de Madame Bibi, Reza Dalvand

Quand l’éléphant de Madame Bibi apparaît sur la page, il en impose. Il la recouvre presque entièrement. La petite Madame Bibi semble bien dérisoire à côté. La vieille femme est la seule de la ville à posséder un animal de compagnie. L’éléphant fait sortir les enfants, qui viennent chaque jour jouer avec lui. Mais cet imposant pachyderme n’est pas au goût des adultes, qui n’en voient pas l’intérêt ! Pour eux, l’important est ailleurs – dans les possessions, les jolis meubles ou le cours de la Bourse par exemple. Ils manifestent alors pour son départ. Quand le jugement du tribunal tombe, sans appel, cette perte de liberté est intolérable pour Madame Bibi. Elle quitte la ville avec son éléphant. Dès lors, l’ambiance change. Les enfants ne sortent plus pour jouer et les adultes doivent se rendre à l’évidence : la ville semble bien vide sans le gros éléphant.

« Chacun avait compris qu’une maison, c’est beaucoup plus que de beaux meubles et de jolis bibelots, c’est un endroit où vivre ensemble et partager des jeux, des histoires, des gâteaux… »

Cet éléphant est absolument craquant ! Sa relation avec la vieille dame en fait presque un (très) gros chat domestique. Ce qu’ils partagent est unique : un vrai lien d’empathie, de partage et d’affection. Et ce qui est différent dérange. L’album interroge ce que l’on désigne derrière le terme « maison » : est-ce le lieu où l’on entrepose tous ses biens ? Ou est-ce celui où l’on se sent bien avec ceux que l’on aime ? Il questionne aussi les valeurs véritablement essentielles et fait une critique du matérialisme. L’important, n’est pas quantifiable ou mesurable : c’est la joie que procure l’éléphant à Madame Bibi, ce sont les rires des enfants. L’histoire m’a rappelé une citation du Petit Prince : « Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d’un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l’essentiel ». L’éléphant c’est une présence qui dérange, jusqu’à ce qu’elle manque. Reza Dalvand nous offre ici une fable moderne très touchante, servie par de très belles et délicates illustrations.

L’École des loisirs, mars 2021, 32 p.

Ma note : ★★★★☆

L’Attente, Maïa Brami et Clémence Pollet

Un explorateur part dans la jungle pour y trouver l’oiseau de paradis. Quand son ventre gargouille, il mange. Quand sa vue se brouille, il boit. Commence alors la longue attente : les saisons passent, la barbe pousse, la folie le guette. Quand soudait apparaît la femelle… qui s’envole ! Tous les espoirs partent en fumée… Au moment où il n’attend plus rien, cela lui tombe dessus. Le mâle qu’il attendait tant lui offre la vision de son extravagant plumage.

« Autour de lui, ça siffle, ça coasse, ça jacasse.
Et les odeurs lui donnent le tournis.
Mais il avance vers son rêve : trouver l’oiseau de paradis.
Certains disent l’avoir vu, d’autres prétendent qu’il n’existe pas. »

J’ai beaucoup aimé cette magnifique fable moderne, qui tire des enseignements d’une situation de forte attente : mieux vaut parfois ne plus rien espérer pour être agréablement surpris ! Hymne à la patience, à la persévérance mais aussi à la spontanéité, L’attente m’a également séduite par ses illustrations uniques. C’est un album graphiquement superbe : l’illustratrice y a utilisé une technique de sérigravure numérique, elle mêle et superpose uniquement 3 couleurs, dont ce orange fluo absolument fou ! Gros coup de cœur pour le travail graphique, vraiment. Un très bel album que je vous conseille.

HongFei, avril 2021, 40 p.

Ma note : ★★★★☆